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| موضوع: Classe 1 : Comptes de financement permanent الأربعاء أكتوبر 26, 2011 10:08 am | |
| Classe 1 : Comptes de financement permanent] Capital personnel Compte de passif du bilan, correspondant aux ressources.
Le capital personnel. — La production de l'homme.
I. Conditions économiques de la production de l'homme. La production des esclaves. — II. La production des hommes libres. — III. L'émigration et l'immigration. — IV. Les obstacles et les encouragements legaux à la production de l'homme. — V. Résumé et conclusion.
La production se diversifie selon la nature des besoins qu'elle a pour objet de satisfaire, ses procédés et ses conditions varient, mais elle a des caractères généraux qui se retrouvent dans toutes ses branches: 1° Toute production s'effectue au moyen d'entreprises; 2° Les entreprises, quels que soient leur forme, leurs dimensions et leur objet exigent la constitution et la mise en œuvre d'un capital investi dans un personnel et un matériel; 3° Toute opération productive s'accomplit dans un certain espace de temps, déterminé par la nature du produit; 4° Le capital employé dans l'opération productive doit être entièrement rétabli, sinon la production ne peut être entièrement continuée; 5° La production ne peut être augmentée qu'à la condition que l'opération productive donne, en sus du capital rétabli, un produit net; 6° Ce produit net se proportionne naturellement au montant du capital employé, à la productivité de ce capital et au temps pendant lequel il est mis en œuvre; 7° Sous un régime de concurrence libre, le produit net tend incessamment à se niveler dans toutes les branches de la production. Enfin, sous ce régime, la production tend, de même, à se mettre en équilibre avec la consommation, au niveau des frais de production, augmentés d'une part proportionnelle de produit net.
Ces caractères généraux se retrouvent, disons-nous, dans toutes les branches de la production, soit qu'il s'agisse des agents et des matériaux qui sont mis en œuvre dans l'immense atelier de l'industrie humaine, ou de la multitude des articles de consommation qu'ils servent à produire. On les observe dans la production de l'homme comme dans toute autre.
I. Conditions Économiques De La Production De L'Homme. La Production Des Esclaves. — La vie humaine étant limitée dans le temps, l'homme considéré simplement comme un agent productif doit non seulement être entretenu et réparé, mais encore incessamment renouvelé. Plus la durée de son existence est courte, plus considérable est le capital nécessaire au renouvellement des générations qui fournissent le personnel de la production. Tout accroissement de la durée de ce personnel, de mème que toute augmentation de sa productivité, toute diminution du nombre des individus improductifs par le fait de défectuosités physiques ou morales, procure à la généralité une économie du capital employé à la production de l'homme et en rend disponible une portion qui peut être appliquée à la création d'autres produits.
Comme toute autre production, celle de l'homme exige la réunion d'un capital, et ce capital doit être augmenté à mesure que l'industrie humaine, en se perfectionnant, exige chez l'individu qui la dirige ou la dessert des aptitudes productives d'un ordre plus élevé et des connaissances plus étendues. L'homme qui entreprend de fonder une famille est obligé de trouver soit dans un capital préalablement accumulé soit dans le produit de son travail les ressources nécessaires pour élever ses enfants jusqu'à ce qu'ils soient en état de pourvoir eux-mèmes à leur subsistance; de plus, l'homme ou tout au moins la femme doit consacrer à cette élève une partie de son temps utilisable. Nous retrouvons done ici, comme dans les, autres branches de la production, la réunion et la mise en œuvre d'un capital sous la forme d'un personnel et d'un matériel, appliqués à une entreprise productive. Cette entreprise doit couvrir ses frais pour que la production puisse ètre continuée, et donner un produit net pour qu'elle puisse être augmentée. Ceci est manifeste lorsque la production de l'homme s'opère sous le régime de l'esclavage. Dans les États à esclaves de l'Union américaine par exemple, la production des esclaves était une branche importante de l'industrie agricole; elle avait fini par se spécialiser et se concentrer dans les régions où elle pouvait s'opérer avec le plus d'économie et de profit.
Les États à esclaves, écrivions-nous quelques années avant l'émancipation, se divisent en deux catégories: les pays de production et ceux de consommation. Dans les premiers on élève les esclaves; dans les seconds on les applique à la culture du sol. On évalue à 80,000 environ le nombre des esclaves qui sont annuellement transportés des États éleveurs (breeding states) dans le-États consommateurs.
Les États éleveurs sont le Delaware, le Maryland, la Virginie, la Caroline du Nord, le Kentucky, le Tennessee et le Missouri. Le sol de ces États n'étant point propre aux grandes cultures du sucre et du coton, et les denrées qu'on y cultive, le tabac, le chanvre et les céréales n'exigeant en comparaison qu'un nombre peu considérable de travailleurs, les esclaves y sont nourris principalement eu vue de l'exportation. L'élève de cette espèce particulière de bétail est devenue une branche importante de la production. Les éleveurs l'ont organisée sur une grande échelle. Nou seulement ils s'attachent à la développer de manière à proportionner leurs approvisionnements aux demandes croissantes des États du Sud, mais encore ils donnent une attention toute spéciale à l'amélioration de leurs produits. Ayant remarqué que les mulâtres se vendent mieux que les nègres, ils ont encouragé, même par des primes, le mélange des races. Le meilleur sang de la Virginie coule dans les veines des esclaves, dit un des témoins cités dans l'enquête, le révérend M. Paxton, et l'on rencontre fréquemment des esclaves entièrement blancs . . . L'élève des esclaves donne communément des profits élevés. Au témoignage des intèressés cux-mêmes, aucune propriété n'est d'un meilleur rapport que celle des jeunes négresses lorsqu'elles sont saines et fécondes1 La valeur d'un esclave adulte est, en moyenne, de 600 dollars. Toutefois le prix des esclaves est sujet à des variations considérables: ces outils vivants de la production se vendent plus ou moins cher selon l'état du marché du coton et du sucre; lorsque ces articles sont très demandés, le prix des esclaves s'élève; lorsqu'ils le sont peu, les esclaves se vendent à vil prix. Comme tous les autres producteurs, les éleveurs d'esclaves s'efforcent d'augmenter leurs débouchés et de se préserver de la concurrence étrangère. Ce sont les éleveurs de la Virginie et de la Caroline qui ont été les plus ardents à demander l'annexion du Texas et qui se sont montrés, en toute occasion, les chauds adversaires de l'importation des nègres d'Afrique2
Au point de vue économique, cette production ne différait point des autres, et notamment de celle du bétail, dont elle n'était, dans l'esprit des éleveurs, qu'une branche particulière. Elle s'opérait dans des exploitations agricoles, comprenant un capital immobilier sous forme de terres, de bâtiments et de reproducteurs, un capital mobilier sous forme d'approvisionnements, enfin un capital personnel, investi dans l'éleveur lui-même et dans les employés de son exploitation, surveillants, comptables, médecins, etc. La vente ou la location des « produits » servait d'abord à couvrir les frais de production. Si ces frais n'avaient pas été couverts, si la réalisation des produits n'a vait pas suffi pour entretenir la terre, les bâtiments et les reproducteurs, renouveler ceux-ci, rétablir les approvisionnements et le personnel de l'exploitation, la production n'aurait pu être continuée. Elle n'aurait pu se développer, si l'entreprise n'avait point donné un produit net et elle aurait été abandonnée si ce produit net, réalisé sous forme de profit, avait été inférieur à celui des autres branches de la production.
Remarquons encore que les profits des éleveurs s'élevaient d'autant plus que leur exploitation était organisée et gérée avec plus de soin et d'économie, qu'ils se préoccupaient davantage de l'amélioration de la qualité de leurs produits, qu'ils réussissaient mieux à les préserver des épizooties; enfin qu'ils disposaient d'un marché plus avantageux. Comme les autres producteurs, ils s'efforçaient à la fois d'agrandir ce marché et de le préserver de la concurrence étrangère; enfin, ils s'appliquaient à proportionner leur production à l'étendue de leur débouché. Les lois naturelles de la concurrence et de la progression des valeurs les y obligeaient d'ailleurs. Lorsque l'élève des esclaves, ne suffisait pas à la demande, — et il en était ainsi lorsque la production du coton et du sucre était en voie d'accroissement. — le prix des esclaves s'élevant dans une progression plus rapide que celle du déficit, l'augmentation du taux des profits ne tardait pas à attirer la concurrence et à provoquer l'augmentation de la production, jusqu'à ce que l'équilibre se fῦt rétabli au niveau des frais de production avec adjonction d'un profit proportionné à celui de la généralité des autres industries. Si l'élève des esclaves continuait à s'accroître de manière à excéder la demande, le phénomène opposé se manifestait, le prix des esclaves baissait dans une progression analogue et la production diminuait jusqu'à ce que l'équilibre se trouvât de nouveau rétabli. Dans les deux cas, le déficit ou l'excédent de la production ne pouvait jamais constituer qu'une fraction assez faible de la quantité utilement produite; en d'autres termes, la population esclave ne pouvait ni demeurer sensiblement insuffisante, ni dépasser sensiblement le débouché qui lui était ouvert. Alors même que l'intérêt des éleveurs ne leur aurait pas commandé, de régler strictement leur production sur l'étendue de leur débouché, les lois naturelles de la concurrence et de la progression des valeurs y auraient pourvu.
II. La Production Des Hommes Libres. — Au point de vue du droit, la condition de l'homme libre differe absolument de celle de l'esclave: au lieu d'être la propriété d'un maître, il est son propre maître, il dispose à sa volonté de sa personne et de ses biens. Il peut les employer notamment et il les emploie généralement à fonder une famille. Mais cet emploi comme les autres est soumis aux lois économiques: ces lois gouvernent la production de l'homme libre aussi bien que celle de l'esclave.
Nous nous en convaincrons en nous reportant à l'époque où une population esclave vient d'être émancipée.
Les exploitations consacrées à l'élève des hommes réduits à la condition de bêtes de somme ont disparu. Les anciens esclaves devenus libres ont cessé de pourvoir à leur reproduction aux frais et au profit d'un éleveur. Cependant, sous le nouveau régime comme sous le précédent, la production de l'homme continue d'exiger la réunion et la mise en œuvre d'un capital: l'atelier de production n'est plus le même, il s'est individualisé et la petite industrie a remplacé la grande. Mais il faut un abri, si étroit et pauvre qu'il soit, pour élever une famille: capital immobilier; il faut que l'enfant soit nourri, entretenu, éduqué, jusqu'à ce qu'il puisse pourvoir lui-même à sa subsistance, c'est une avance qui doit absolument lui être faite: capital mobilier; enfin l'élève et l'éducation, fussent-elles rudimentaires, exigent tout au moins les soins de la mère pendant une partie de son temps utilisable: capital personnel. La somme de ces avances constitue les frais de production de l'homme, qu'il soit libre ou esclave. Ces frais s'élèvent plus ou moins haut, d'abord suivant le prix des subsistances, des vêtements, du logement, de l'éducation, la valeur du temps utilisable de la mère, etc., ensuite, suivant les frais des maladies et les risques de la mortalité infantile, ces frais et risques augmentant d'autant le coῦt de chaque génération, et, dans chaque famille, les dépenses faites pour les morts devant être ajoutées aux frais de production des survivants. N'oublions pas que les dépenses de l'éducation et, en particulier, de l'instruction professionnelle sont naturellement diverses et inégales, suivant la situation que l'enfant, devenu homme, est destiné à occuper et l'industrie ou la profession pour laquelle il est préparé. A cet égard, les différences sont sensibles: un enfant destiné à exercer un métier qui n'exige guère que la mise en œuvre de la force physique et qui lui permettra de pourvoir de bonne heure à sa subsistance, tel que le métier de manœuvre ou de terrassier, ne nécessitera qu'une faible avance de capital. Cette avance pourra, au contraire, s'élever très haut si l'enfant est destiné à exercer une profession libérale, la médecine, le barreau, l'enseignement, les beaux-arts, surtout si cette profession exige un long apprentissage ou un long stage avant que celui qui la pratique puisse en vivre. Ajoutons qu'à mesure que l'industrie se perfectionne, elle exige du personnel qui la dessert à tous les degrés une culture plus développée, et par conséquent plus coῦteuse; en un mot, les frais de production de l'homme vont croissant pour ainsi dire dans la mesure des progrès de l'industrie.
Ces frais de production, l'éleveur d'esclaves de la Virginie ou de la Caroline du Nord s'en remboursait avec adjonction d'un profit, par la vente ou la location de ses « produits », dès que ceux-ci avaient acquis leur pleine valeur marchande, et nous avons vu aussi qu'il augmentait ou diminuait sa production selon les besoins du marché, de manière à couvrir ses frais et à réaliser le profit le plus élevé possible.
Comment les choses se passent-elles, à ces divers égards, sous un régime de liberté? C'est toujours en vue d'un profit, impliquant une somme plus ou moins grande de jouissances que s'opère la production de l'homme; seulement la nature de ce profit se modifie. Au profit industriel que l'éleveur avait uniquement en vue se substitue en totalité ou en partie un profit physico-moral. Nous disons en totalité ou en partie, car nous allons voir que la perspective d'un profit industriel ne cesse point d'exercer, dans la classe la plus nombreuse de la population, une influence déterminante sur la production de l'homme. En effet, cette production est incomparablement plus abondante dans la classe ouvrière, c'est-à-dire dans la partie la moins aisée de la population que dans les classes moyenne et supérieure. A quoi tient cette différence? Sans doute, les frais de production d'un enfant destiné à l'exercice d'un métier qui peut être entrepris de bonne heure et n'exige que peu de frais d'éducation et d'apprentissage, sont moindres que ceux d'un enfant destiné à une profession libérale, mais il faut bien remarquer que la différence entre les ressources qui peuvent être appliquées à l'élève d'une famille dans les régions moyennes ou supérieures de la population et dans les régions inférieures, est bien plus forte encore et que l'avance du capital nécessaire à la production d'un homme représente de bien moindres privations dans celles-là que dans celles-ci. Il semblerait done que la production de l'homme dῦt y être plus abondante. Cependant, c'est le phénomène contraire que l'on observe dans la généralité des pays civilisés. Tandis que la production de l'homme est parfois surabondante dans les classes inférieures, elle demeure insuffisante et le devient de plus en plus dans les classes supérieures. C'est au point que, même dans les pays où la population est en voie de rapide accroissement, les classes supérieures finiraient par disparaître si elles ne se recrutaient pas incessamment dans les régions qui s'étagent au-dessous d'elles1 . Quelle est la raison de ce phénomène? Cette raison n'est nullement du ressort de la physiologic comme on s'est plu à l'affirmer, c'est une raison purement économique. C'est que, dans les classes inférieures la production de l'homme rapporte un profit, à la fois industriel et physico-moral, — un profit industriel provenant de l'exploitation aussi hâtive et aussi prolongée que possible du travail des enfants, un profit physico-moral, consistant dans les jouissances de la famille, tandis que dans les classes supérieures où, soit par le fait d'un plus grand développement du sentiment et des devoirs de la paternité ou de l'absence d'un débouché approprié au travail des enfants, soit par l'influence de l'opinion et des mœurs, le profit physico-moral résultant des jouissances de la famille est le seul mobile qui détermine la production de l'homme. Or, l'insuffisance de plus en plus notoire de cette production n'atteste-t-elle pas celle du mobile unique qui pousse à l'entreprendre?
A ce propos, on a taxé d'immoralité ce qu'on a appelé le malthusianisme de la bourgeoisie, c'est-à-dire la limitation volontaire du nombre des enfants dans le mariage. Que cette limitation soit poussée à l'excès, et qu'elle accuse la prédominance des appétits matériels, du goῦt du luxe et de l'ostentation, du désir égoïste de s'épargner les privations et les soins que nécessite l'élève d'une famille nombreuse, nous ne le contestons pas. Lorsque le profit physico-moral que procure l'accomplissement bonâ fide du précepte: croissez et multipliez, n'équivaut pas à la somme des sacrifices, partant des souffrances que représentent les frais non remboursables d'une production non limitée, on la limite au-dessous du point où le profit physico-moral est balancé par une somme correspondante de souffrances. Ajoutons toutefois qu'aux considérations purement égoïstes qui déterminent d'habitude cette limitation s'en joignent d'autres tirées de l'intérêt même des enfants, surtout dans les pays où le débouché ouvert à la population est étroitement limité ou bien encore où les res sources que l'on peut employer à l'élève d'une famille sont précaires.
Sans excuser les tendances trop restrictives de la production de l'homme dans les régions supéricures de nos sociétés civilisées, on peut cependant les considérer comme moins nuisibles que les tendances opposées, qui prévalent dans les régions inféricures. Ici, le mobile qui détermine la production de l'homme n'est pas seulement un profit physico-moral, c'est encore un profit industriel, résultant de l'exploitation du travail des enfants. Dans les branches de la production agricole où les enfants peuvent être utilisés de bonne heure et surtout dans les foyers de l'industrie manufacturière, où ils remplacent économiquement les adultes dans un grand nombre d'emplois, on trouve profit à les multiplier. Il n'est pas rare de rencontrer des familles d'ouvriers, où la femme et les enfants employés dans les manufactures, nourrissent le père de famille adonné à l'oisiveté et à la débauche, qui les exploite comme des esclaves. Quoique ces produits humains, mal soignés, insuffisamment nourris et écrasés sous le faix d'un labeur dépassant leurs forces, subissent un déchet considérable, quoique la mortalité des enfants de la classe ouvrière dans les centres manufacturiers soit relativement énorme, le profit que procure le travail des survivants compense et au-delà la perte des frais de production des morts. En diminuant ce profit, les restrictions opposées au travail des enfants dans les manufactures ne peuvent manquer d'agir pour diminuer la production de l'homme, au sein de la classe ouvrière. Si elle venait à ne plus rapporter qu'un simple profit physico-moral, on peut prédire à coup sῦr qu'elle ne tarderait pas à y être encore plus étroitement limitée qu'elle ne l'est aujourd'hui dans les couches supérieures. Car n'en déplaise aux courtisans de la démocratie, le sentiment de la paternité et l'amour de la famille sont moins développés en bas de l'échelle sociale qu'ils ne le sont en haut.
En résumé, la production de l'homme, comme toutes les autres, est limitée: 1° par le capital qui peut y être appliqué; 2° par le profit qu'elle peut rapporter, et dont le montant, comparé à celui des autres branches de la production, détermine et règle l'apport du capital. Ceci est de toute évidence dans le cas de la production des esclaves. Dans les breeding states de l'Union américaine, l'apport du capital dans l'industrie de l'élève était visiblement déterminé par le taux des profits de cette industrie. Lorsque ce taux dépassait celui des profits des plantations de sucre ou de coton, les capitaux étaient attirés de préférence dans la production de l'homme; ils s'en éloignaient, au contraire, lorsque le taux de ses profits descendait au-dessous du niveau commun. L'observation atteste que les choses se passent de la même manière dans le cas de la production des hommes libres. Dans ce cas, la nature du profit subit, à la vérité, une modification. Ce profit n'est plus seulement industriel; il réside encore dans la satisfaction donnée à un instinct physique et à un sentiment moral. Or si, dans les régions supérieures de la société, où le profit physico-moral agit seul, il demeure généralement insuffisant pour déterminer l'apport du capital nécessaire à la reproduction utile de l'espèce, dans les régions inférieures, où le profit industriel s'ajoute au profit physico-moral et peut même être considéré comme prépondérant, ce double profit est assez élevé pour attirer le capital nécessaire à la production du nombre d'hommes, demandé non seulement par les emplois ordinaires de la classe ouvrière, mais encore par ceux auxquels la production des classes en possession de les recruter ne suffit point.
C'est donc le taux du profit qui détermine l'apport du capital dans la production de l'homme comme dans toute autre. Mais qu'est-ce qui détermine ce taux? Dans l'industrie de l'élève des esclaves, il dépendait de l'état du marché ou de la « demande ». Lorsque la demande des esclaves s'augmentait, on voyait s'élever leur prix de vente ou de location, et, par conséquent, le profit que procurait leur élève. Lorsque la demande venait à diminuer, le prix baissait, et, avec le prix, le taux du profit. Et ce mouvement de baisse se continuait jusqu'à ce que l'offre se fῦt remise en équilibre avec la demande, au niveau des frais de production, augmentés d'un profit équivalent à celui des autres branches d'industrie. Les choses ne se passent pas autrement, à les bien observer, dans la production des hommes libres. Quand la demande des hommes vient à dépasser l'offre, après une épidémie ou une guerre par exemple, ou bien encore quand de nouvelles inventions, le développement des moyens de communication, l'abaissement des barrières douanières, étendent les débouchés de l'industrie, et par conséquent ceux du travail, on voit s'élever le taux des profits du » capital personnel ». La multitude reçoit des salaires plus élevés, et la diminution de la concurrence dans les emplois supérieurs de la production, augmente de même la rémunération qu'ils procurent. L'augmentation de cette nombreuse catégorie de profits permet d'en capitaliser une plus forte part, et ce supplément de capital est naturellement attiré vers les emplois les plus avantageux. Parmi ces emplois, figure, en première ligne, l'élève d'un supplément de population. Dans les rangs inférieurs de la société, le travail mieux payé des enfants augmente le taux du profit industriel; dans les rangs supérieurs, les difficultés du placement d'une famille nombreuse diminuant, les satisfactions qu'elle procure s'accroissent d'autant et font taire les objections habituelles de la prévoyance. Au contraire, lorsque les débouchés viennent à se rétrécir par une cause ou par une autre, les salaires baissent, la capitalisation diminue, le profit que rapporte un capital employé à la production de l'homme va décroissant, et le mouvement de la population se ralentit jusqu'à ce que l'équilibre de l'offre et de la demande des hommes se soit rétabli au niveau des frais de production augmentés d'un profit équivalent à celui des autres emplois du capital.
III. L'Émigration Et L'Immigration. — Comme toutes les autres branches de la production, celle de l'homme peut être insuffisante pour subvenir aux besoins du marché intérieur ou excéder les besoins de ce marché. Dans le premier cas, le déficit attire l'immigration; dans le second cas, l'excédent tombe à la charge de la charité publique et privée ou s'écoule par l'émigration.
Les pays d'immigration peuvent être partagés en deux catgéories: 1° Ceux, tels que la France, où les frais de production de l'homme sont artificiellement surélevés par des impôts excessifs, frappant principalement les articles nécessaires à la subsistance et à l'élève d'une famille, et où, d'une autre part, le profit qui procure la production d'une famille nombreuse n'est point considéré comme suffisant pour compenser les privations et les sacrifices qu'elle impose. L'émigration des pays où l'élève est moins coῦteuse et plus abondante vient alors combler le déficit; 2° Les pays où la proportion du capital immobilier dépasse celle du capital personnel et mobilier nécessaire aux entreprises de toute nature; tels sont la plupart des pays du nouveau monde, où la terre est offerte en abondance et à vil prix, où les gouvernements vont même jusqu'à allouer une prime aux colons qui apportent le capital personnel et mobilier indispensable pour la mettre en valeur. Dans ces pays neufs, la production de l'homme demeure active, malgré la concurrence de l'immigration, aussi long-temps que la disproportion entre les agents nécessaires de la production, — capitaux immobiliers, personnels et mobiliers, — subsiste, mais à mesure que cette disproportion va diminuant, surtout si, comme il arrive aux États-Unis, l'élève d'une famille est renchérie par un tarif ultra-protectionniste, si les frais de production de l'homme sont artificiellement surélevés, si par conséquent la différence entre ces frais et ceux des pays où l'élève est à bon marché se trouve accrue, on voit apparaître et grandir la tendance à repousser l'immigration.
Les pays d'émigration sont ceux où la proportion du capital personnel nécessaire aux entreprises dépassant celle du capital immobilier et mobilier, l'excédent ne peut être employé.
Les gouvernements sont intervenus tantôt pour empêcher l'émigration et l'immigration, tantôt pour les favoriser, de même qu'ils ont empêché ou favorisé l'importation et l'exportation des produits de l'industrie. Autrefois, l'émigration était généralement entravée ou même prohibée; aujourd'hui, la tendance prédominante est plutôt de faire obstacle à l'immigration.
Que l'intervention des gouvernements dans l'importation et l'exportation des hommes ne se justifie pas mieux que dans celle des produits de leur industrie, c'est ce qui ressort visiblement de l'examen de l'intérêt particulier de chaque nation aussi bien que de l'intérêt général de la communauté des nations.
L'émigration peut consister dans une exportation d'esclaves ou d'hommes libres. Dans le premier cas, qui ne se présente plus de nos jours qu'à titre d'exception, l'élève et le commerce des esclaves ne different pas, au point de vue économique, de la généralité des autres branches de la production. L'exportation des esclaves procure aux pays d'élève des profits analogues à ceux qui proviennent de l'élève du bétail, par exemple. Plus le débouché intérieur et extérieur qui lui est ouvert s'étend, plus l'élève se développe et plus s'augmente, avec la somme des profits qu'elle peut rapporter, la richesse dont elle est la source. La Virginie, la Caroline du Nord et les autres breeding states comptaient l'élève des esclaves au nombre de leurs industries les plus productives, et l'on conçoit qu'en se plaçant au point de vue de la richesse et de la puissance de l'État, les hommes politiques s'accordassent avec les éleveurs pour réclamer l'annexion du Texas, c'est-à-dire d'une région où cette industrie pouvait trouver un ample supplément de débouchés.
Toutefois, la situation est différente à certains égards lorsqu'il s'agit de l'exportation des hommes libres. Tandis que le prix de la vente des esclaves exportés rembourse leurs frais de production avec adjonction d'un profit, de manière à rétablir et au-delà le capital employé à les produire, en accroissant ainsi directement la richesse nationale, l'émigration des hommes libres ne comporte aucun remboursement analogue. L'émigrant représente le capital que son élève et son éducation ont absorbé, et ce capital est perdu pour la nation au sein de laquelle il a été élevé. Si l'on évalue à 5,000 francs1 le prix de revient d'un adulte, arrivé à l'âge où l'émigration commence d'habitude, on trouvera que 100,000 émigrants infligent à la nation exportatrice une perte d'un demi-milliard. Il semblerait, d'après cela, que des mesures destinées à entraver ou même à prohiber l'émigration dussent être conformes à l'intérêt de la nation, en empêchant la déperdition de sa richesse et l'enrichissement à ses dépens des pays d'immigration. Mais la question est plus compliquée qu'elle ne le paraît au premier abord. Les pays d'émigration sont ceux où, d'une manière accidentelle ou permanente, la production de l'homme partant l'offre de ses services excèdent la demande du marché intérieur. Quoique, sauf des circonstances exceptionnelles, telles que la maladie des pommes de terre en Irlande, l'excédent ne puisse jamais dépasser une fraction relativement faible de la population, cet excédent constitue une lourde charge pour la communauté. Si réduits que soient ses frais d'entretien, ils forment cependant un total considérable. En les évaluant à 250 francs par tête seulement1 c'est pour 100,000 individus, une dépense annuelle de 25 millions représentant au taux de 500, une somme d'un demi-milliard, c'est-à-dire une somme égale à la perte que causerait l'émigration de ces 100,000 individus. Ajoutons que la présence d'un excédent de population, en rompant l'équilibre de l'offre et de la demande de travail, a pour effet d'abaisser le taux de la rétribution des capitaux personnels au profit de celle des capitaux immobiliers et mobiliers; en sorte que l'entretien de cet excédent retombe, par une répercussion inévitable, à la charge de la multitude qui vit du produit de son travail. Enfin, si l'émigration cause la perte directe et immédiate du capital que représente l'émigrant, elle est une source de bénéfices indirects et ultérieurs pour la nation exportatrice. Sans parler des émigrants qui, après avoir accumulé un capital à l'étranger, le rapportent avec eux dans la mère-patrie, ceux-là même qui ont émigré d'une manière définitive conservent et propagent le goùt des produits qu'ils avaient l'habitude de consommer dans leur ancienne métropole, et ils fournissent ainsi à son industrie un débouché bien autrement avantageux que celui qu'ils lui procuraient lorsqu'ils se trouvaient chez elle à l'état d'excédent paupérisé de la population.
Au point de vue de l'intérêt de la richesse d'une nation, les mesures prohibitives de l'immigration ont un caractère encore plus clairement nuisible soit qu'il s'agisse d'une importation d'esclaves ou d'une immigration d'hommes libres. Sans doute, on conçoit que les éleveurs des breeding states, en se plaçant au point de vue étroit et actuel de leur industrie se soient accordés avec les philanthropes négrophiles pour réclamer la prohibition de l'importation des nègres d'Afrique; car cette importation avait pour effet d'abaisser le taux de leurs profits. Mais, en procurant en plus grande abondance et à meilleur marché le travail nécessaire à la culture du coton et du sucre, elle encourageait le développement de ces deux productions, probablement dans une plus forte mesure qu'elle ne décourageait celle de l'élève. D'un autre côté, les producteurs de sucre et de coton de l'Union américaine se trouvant en concurrence avec les planteurs du Brésil et de Cuba, où les importations des nègres d'Afrique continuaient à être tolérées, la hausse artificielle causée par la prohibition ne pouvait manquer à la longue de les mettre hors d'état de soutenir cette concurrence. Leur production aurait diminué et la décadence de leurs plantations aurait entraîné, comme une inévitable conséquence, celle de l'industrie des éleveurs, partant une diminution générale dela richesse des États à esclaves de l'Union.
En ne tenant même aucun compte des maux inhérents au régime de l'esclavage, l'importation des hommes libres est encore bien autrement profitable que celle des esclaves. Nous avons vu plus haut qu'en évaluant à 5,000 fr. la valeur d'un adulte, — et l'immense majorité des immigrants se compose d'adultes, — une immigration de 100,000 individus libres représente l'apport d'un capital d'un demi-milliard, sans compter le montant, insignifiant en comparaison, du capital mobilier qu'ils apportent avec eux. Or, tandis qu'il faut acheter les esclaves et exporter le capital représenté par leur prix d'achat, l'importation des hommes libres est gratuite. Ce fait suffirait seul à expliquer le rapide et prodigieux développement de la richesse dans les contrées où les émigrants affluent de préférence. Aux États-Unis, par exemple, où l'immigration européenne a déversé depuis un siècle environ 15 millions d'individus1 , pour la plupart physiquement et moralement supérieurs à la moyenne, elle représente un apport de capital de 75 milliards de francs, auquel il faut joindre le capital mobilier importé par les immigrants. En France, les 1,100,000 étrangers2 que relève le dénombrement le plus récent représentent une adjonction de plus de 5 milliards au capital national.
Comment done s'expliquer la tendance restrictive de l'immigration qui se manifeste aujourd hui dans un grand nombre de pays, particulièrement même dans ceux qu'elle a le plus contribué à enrichir?
Cette tendance n'est, il faut bien le remarquer, qu'une des manifestations du protectionnisme, actuellement en pleine recrudescence. Les ouvriers invoquent contre l'immigration du travail étranger les mêmes arguments que les industriels font valoir contre l'importation des produits similaires de leur industrie, et le but que poursuivent les uns et les autres est identique: c'est l'exhaussement des profits et des salaires au-dessus du niveau naturel de la concurrence. Avons-nous besoin de dire que cet exhaussement artificiel, en supposant que la protection réussisse à le produire, est également nuisible, soit qu'il s'agisse des profits ou des salaires? Pour ne parler que de ces derniers, une industrie qui paie des salaires artificiellement exhaussés par la protection se trouve dans une situation d'infériorité vis-à-vis de ses concurrentes qui paient des salaires naturels, et ses débouchés ne manquent pas de se rétrécir à la longue. Le rétrécissement des débouchés de l'industrie amène celui des emplois du travail et la baisse des salaires avec la diminution générale de la richesse, Le même résultat se produit, quoique dans une mesure moindre, lorsque les ouvriers dont on prohibe l'immigration ne font dans le pays qu'un séjour temporaire et remportent comme les Chinois, dans leur mère-patrie, les économies qu'ils ont faites sur leur salaire. En effet, on ne leur a payé ce salaire qu'à la condition d'obtenir une valeur supéricure à celle qu'on leur a fournie en échange de leur travail, et la différence s'ajoute à la richesse nationale. Dira-t-on encore que l'importation des « produits » de l'élève étrangère décourage l'élève indigène? Que si cette importation était interdite, la production intérieure serait plus abondante? Mais, d'une part, il faut considérer qu'au point de vue de l'accroissement général de la richesse, une importation gratuite d'un produit quelconque procure un bénéfice incontestable et qu'en admettant même qu'elle décourage les capitaux de se porter dans la branche d'industrie qui subit cette concurrence inégale, ces capitaux subsistent et peuvent s'engager dans les autres industries dont le débouché se trouve accru de tout le montant de l'économie réalisée. D'une autre part, il faut considérer qu'en exhaussant artificiellement le taux des salaires, on provoque un accroissement de l'élève, qui finit par dépasser les besoins du marché et les dépasse d'autant plus vite que la hausse est plus forte, par conséquent qu'elle agit plus efficacement pour rétrécir les débouchés de toutes les industries qui paient des salaires que là protection a élevés au-dessus du niveau naturel de la concurrence.
Cependant, il est douteux que ces considérations touchent les ouvriers protectionnistes plus qu'elles n'ont touché les industriels. Les uns et les autres n'envisagent d'habitude que leur intérêt actuel et borné, et ils emploient leur influence à le faire prévaloir sur l'intérèt général et permanent de la nation. Or, tel est le vice de l'organisation politique des États modernes que les nations se trouvent aujourd'hui, plus qu'elles ne l'ont été à aucune autre époque, à la merci des convoitises égoistes et aveugles des intérêts particuliers. Il y a donc apparence qu'à mesure que croîtra l'influence politique de la multitude des salariés, le protectionnisme ouvrier réussira à opposer à l'immigration des obstacles analogues à ceux que le protectionnisme industriel a dressés contre l'importation des produits étrangers.
IV. Les Obstacles Et Les Encouragements LÉgaux A La Production De L'Homme. — Mais les gouvernements n'interviennent pas seulement pour empêcher ou encourager l'émigration et l'immigration; ils sont intervenus de tout temps, tantôt pour activer tantôt pour ralentir la production de l'homme, dans les limites de leur juridiction. S'ils abandonnaient généralement, dans le passé, aux éleveurs et aux propriétaires d'esclaves et de serfs, le soin d'en régler la production sur les besoins du marché, ils se préoccupaient fréquemment d'augmenter celle des hommes libres, lorsque le profit qu'elle procurait n'y suffisait point. Mais ni les primes qu'ils accordaient à la production des familles nombreuses, ni les pénalités qu'ils édictaient contre les célibataires ou les impòts dont ils les frappaient ne produisaient un résultat appréciable. Plus tard, lorsque les classes inférieures eurent été émancipées de l'esclavage et du servage, on entreprit, selon les intérêts dominants, tantôt de limiter leur reproduction, tantôt de l'encourager. Dans les localités où le débouché de la population était particulièrement resserré et demeurait stationnaire, et où l'excédent tombait à la charge de la communauté, faute de pouvoir s'écouler par l'émigration, la coutume et les règlements interdisaient le mariage, à moins que les conjoints ne prouvassent qu'ils avaient des moyens suffisants pour élever une famille1 . Ces coutumes et ces règlements se trouvaient renforcés par les pénalités matérielles et la reprobation morale qui atteignaient les unions illégitimes et leurs produits. Dans les localités, où, au contraire, comme en Angleterre au XVIIIc siècle, les progrès de l'industrie accroissaient rapidement la demande du travail et en faisaient hausser le prix, les intérêts prépondérants des industriels et des propriétaires agissaient pour encourager l'élève d'un supplément de travailleurs, en mettant une partie des frais de cette élève à la charge de la communaute. Mais qu'arriva-t-il? C'est que cet encouragement artificiel eut à la fois pour effet d'augmenter bientòt à l'excès la production de l'homme et d'en abaisser plus encore la qualité, en développant particulièrement la production de la classe dégradée qui s'étaitaccontumée à demander ses moyens d'existence à la charité publique et privée. Alors les chefs d'industrie et les propriétaires s'aperçurent que la taxe des pauvres, dont ils avaient favorisé d'abord l'extension, ne leur procurait qu'une économie illusoire tout en leur imposant un fardeau de plus en plus lourd à titre de membres de la communauté, et ils employèrent leur influence à restreindre, aussi rigoureusement que possible, ce mode d'encouragement de la production de l'homme.
V. RÉsumÉ Et Conclusion. — En résumé, la production de l'homme exige comme toute autre, la réunion et la mise en œuvre d'un capital, et elle s'opère sous la forme d'une entreprise. Cette entreprise se constitue, encore comme toute autre, en vue d'un profit. Dans le cas de la production des esclaves, ce profit est purement industriel, et il tend incessamment à se mettre au niveau des profits de la généralité des branches de la production. Lorsqu'il dépasse ce niveau, les capitaux sont attirés dans l'industrie de l'élève, lorsqu'il tombe au-dessous, ils s'en éloignent jusqu'à ce que l'équilibre soit rétabli; en d'autres termes, l'élève de l'homme dans l'état d'esclavage, tend à se mettre en équilibre avec la demande, au niveau du prix nécessaire pour couvrir ses frais de production augmentés d'une part proportionnelle de produit net. La production de l'homme, dans l'état de liberté, est soumise à la même loi, sauf une différence dans la nature du profit qui détermine l'apport du capital nécessaire à l'élève d'une famille. Dans les classes inférieures, ce profit est à la fois physico-moral et industriel, l'exploitation du travail des enfants couvrant, parfois même au-delà, les frais de leur production. Dans les classes supérieures, les jouissances de la famille constituent seules le profit. Sous l'excitation du double profit que leur vaut la production de l'homme, les classes inféricures ont une tendance à accroître d'une manière surabondante leur population, tandis que les classes supérieures sont plutôt portées à restreindre à l'excès la leur. Ces deux tendances opposées se compensent en partie, mais peut-être au détriment de la qualité de la population. En tout cas, sauf dans des circonstances exceptionnelles, la production de l'homme ne peut comporter qu'un faible excédent ou un faible déficit, — la loi de progression des valeurs ayant pour effet soit de faire tomber rapidement la rétribution du « capital personnel1 « au-dessous du taux nécessaire pour le rétablir intégralement soit de la faire monter jusqu'à ce que le déficit soit comblé. Lorsque l'élève vient à dépasser les besoins du marché intérieur, ou elle se ralentit sous l'influence de l'abaissement des salaires ou l'excédent s'écoule par l'émigration; lorsqu'elle demeure insuffisante, la hausse des salaires appelle l'immigration; d'où une tendance générale à l'équilibre de la production et de la demande du » capital personnel « dans les différentes et multiples sections de l'immense atelier de l'industrie humaine. Les gouvernements n'ont pas manqué d'intervenir tantôt pour empêcher l'émigration et l'immigration, tantôt pour les favoriser, en obéissant en cela comme en tout le reste aux intérêts presque toujours égoïstes et à courte vue de la classe politiquement dominante; ils sont intervenus de même tantôt pour accélérer tantòt pour ralentir l'élève intérieure, mais sans que leur réglementation artificielle ait eu la puissance d'empêcher l'opération des lois naturelles qui gouvernent la production de l'homme.
On voit par là qu'il n'existe point, à proprement parler, de « loi de la population ». Il y a des lois naturelles qui régissent la production de l'homme, exactement comme celle de la généralité des branches de l'industrie humaine.
On voit aussi combien sont peu fondées et imaginaires les prévisions ordinaires des statistierens sur l'accroissement probable de la population. Parce que cet accroissement a été général et considérable dans la plupart des pays civilisés, sous l'influence des progrès extraordinaires des sciences appliquées à l'industrie, de la sécurité, etc., qui se sont accomplis depuis un siècle, il ne s'ensuit nullement qu'il doive se continuer. Comme le remarquait déjà Adam Smith, qui a résumé en quelques lignes toute la théorie de la population1 , la production de l'homme est gouvernée par la demande, c'est-à-dire par le nombre des emplois disponibles. Ce nombre dépend du taux d'accroissement ou de diminution du produit net et de la capitalisation du produit net. Dans les pays où l'industrie est en voie de développement, ce taux s'accroît, dans les pays où l'industrie décline, — et ce déclin est inévitable dans ceux où le militarisme, le protectionnisme et les autres formes du gaspillage et du monopole exhaussent artificiellement les frais de la production, — le produit net et la capitalisation diminuent. Or, la production de l'homme, à son tour, diminue nécessairement avec le capital indispensable pour l'opérer. La hausse temporaire qui en résulte dans la rétribution du travail accélère encore la décadence de l'industrie, en surélevant ses frais de production. L'immigration intervient alors, à la vérité, pour ramener la rétribution du travail au taux du marché général. Mais si l'immigration est entravée, et surtout si elle est particulièrement découragée dans les régions supérieures de la société, — et tel est l'effet du monopole des emplois publics au profit des nationaux, combiné avec la multiplication de ces emplois, — la décadence s'accélera, et à une période d'accroissement de la population, en nombre et en qualité, succède une période de ralentissement, et finalement de décroissance. Bref, il serait aussi oiseux et peu scientifique de déduire du taux actuel d'accroissement de la production de l'homme, le taux de l'accroissement futur, que de vouloir prédire ce que sera dans l'avenir la production du blé, du fer ou des cotonnades, en se fondant sur la progression qu'elle a suivie depuis un siècle. | |
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